Dimanche 19 février 2023 – 7ème dimanche du temps ordinaire (Année A)

Tendre l’autre joue ? Aimer son ennemi ?

S’il est bien une parole de Jésus qui est à la fois célèbre autant que déconcertante, c’est celle où il enseigne à ses disciples « si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends lui encore l’autre » (Mt 5,39).

Est-ce de l’encouragement à la veulerie, la lâcheté, ou pire encore une inclination suspecte à la souffrance qui confinerait au masochisme ? Dans la suite de son enseignement Jésus indique clairement une autre piste, celle d’un amour qui vient briser et libérer de l’enchaînement de la violence. En effet nous avons cette autre parole, fameuse autant qu’énigmatique : « Eh bien moi je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous persécutent ». (Mt 5,44).

Est-ce une parole impraticable ? Jésus parle-t-il pour ne rien dire ? Je me rappelle cette sœur âgée anciennement missionnaire en Afrique qui racontait ce souvenir ; elle accompagnait dans la discrétion les femmes catéchumènes de son diocèse, et un jour tandis qu’elle leur demandait pourquoi elles voulaient devenir chrétiennes, l’une d’entre elle prit son évangile, et trouvant la page où figurait « aimez vos ennemis », elle dit : « c’est à cause de cette parole que je veux être baptisée ».

Cette femme avait discerné dans l’enseignement de Jésus une sagesse qui venait briser le cercle de la violence par la force de l’amour et du pardon. Elle discernait aussi que cette force , elle pouvait la trouver en Celui qui l’avait parfaitement incarnée par toute sa vie sur cette terre, et particulièrement dans sa Passion et sa Résurrection.

Ceci dit l’enseignement de Jésus ne vient seulement qu’éclairer la perspective du martyre, même si c’est là que se réalise sa plus haute expression. Il indique aussi cette voie, qui consiste à ne pas vouloir entrer dans la logique réflexe de la riposte, mais d’ouvrir une nouvelle possibilité, une « sortie par le haut ». L’expression « tendre l’autre joue » peut en effet
suggérer qu’après avoir essuyé une gifle la personne s’est redressée et, dans une force intérieure sans mépris, offre à son interlocuteur violent la possibilité de renoncer à recommencer tout en ne le condamnant pas pour le premier geste. C’est une attitude qui vient ouvrir un chemin en s’adressant miséricordieusement à la conscience de l’autre.

Parfois, une parole de vérité peut être nécessaire pour que la conscience soit éclairée. Ainsi Jésus après avoir été arrêté dit à un soldat qui l’a molesté : « si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal, sinon pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18,29).

Dans la Passion du Seigneur, nous avons l’exemple ultime de l’Amour qui vient apporter la lumière de la vérité, et qui, en consentant à en subir la violence, vient porter et enlever les péchés du monde. Jésus invite ses disciples à prendre une part active dans ce renoncement à la violence et dans le don du pardon. C’est un chemin exigeant, c’est un chemin de vie et de libération, c’est un chemin de paix. Avec Jésus comme guide intérieur, apprenons à marcher sur ce chemin de lumière : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,8)

Père Antoine d’Eudeville, curé